HISTOIRE DE L’APPRENTISSAGE ET DE LA FORMATION ALTERNÉE

Par Jean-Luc Déjeans, Président AFDET Paris

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Introduction

Pour celles et ceux qui désirent avoir un regard prospectif sur la formation alternée il est nécessaire de remettre en perspective historique la situation actuelle de la formation des apprentis. De nombreux écrits ayant déjà été publiés par des historiens, de façon souvent distincte, sur des sujets tels que l'éducation, le compagnonnage, la création des chambres de métiers ou la formation professionnelle, je m'attacherai ici à présenter plus clairement les liens existants entre la formation traditionnelle des gens des métiers, les conséquences de la révolution française sur ce secteur et la quasi-disparition de contrat d'apprentissage. La naissance de l'enseignement technique en France mis en parallèle avec la situation en Allemagne vers 1900, et les conséquences de cet ensemble sur la création des chambres de métiers françaises chargées de la formation des apprentis du secteur des métiers à l'image du contexte alsacien. Ainsi que les prolongements de cet ensemble d'événements sur la situation de la fin du XXème siècle.

L'ensemble de ce travail a nécessité la consultation d'une bibliographie spécifique dont vous trouverez ci-dessous les références majeures :

  • Astier P. L'enseignement technique industriel et commercial (France et l'étranger), G Roustan, 1909
  • Barraud M. Les chambres de métier en France, Université de Paris, 1925
  • Cambon C. Butor P. La bataille de l'apprentissage, Descartes 1993
  • Didier P. Le contrat d'apprentissage en bourgogne au XIVème et XVème siècle
  • Fraboulet D. Quand les patrons s’organisent : Stratégies et pratiques de l’Union des Industries Métallurgiques et Minières 1901-1950.
  • Guinot J-P. Formation prof. et trav. qualifiés depuis 1789, Domat-Montchrestien, 1946
  • Geay A. L'école de l'alternance, L'Harmattan, 1998
  • Leblanc R., L'enseignement professionnel au début du XXème siècle, 1905, Cornely.
  • Léon A. Histoire de l'éducation technique, 1961, PUF
  • Lequin Y. L'apprentissage en France au XIXème siècle, MRASH Lyon, 1989
  • Peugeot, Archives de l'école d'apprentissage Peugeot, 1930-1960
  • Richard B. (l'APCM) Le développement de l'apprentissage dans l'artisanat, 1988
  • Roy J-A. Histoire de la famille Schneider et du Creuzot, Rivière, 1962
  • Troger V. Les centres d'apprentissage de 1940 à 1960, Formation-Emploi, 1989
  • Volery L. Rapport de l'étude de mise en place du dispositif de formation de formateurs de branche 1986
  • Volery L. Ingénierie et projets en formation 1991
  • Collectif Revue d'histoire moderne et contemporaine, tome 40 N°3, Juillet-septembre 1993. Apprentissages XVIe-XXe siècles.

Il est entendu que ce travail ne prétend pas être "fini", bien au contraire. Les critiques, apports et suggestions seront les bienvenus par mail au rédacteur : 

HISTOIRE DE L’APPRENTISSAGE ET DE LA FORMATION ALTERNÉE

Xème siècle

Les villes prennent une importance nouvelle et affirment leur autonomie, elles se dotent d'institutions. Dans le même temps les confréries de métiers se créent. Ce sont les Jurandes qui seront appelées plus tard corporations. Celles-ci édictent des règles commerciales et professionnelles (règles de l'art), elles organisent la formation des jeunes artisans qui se développe en cette fin de premier millénaire.

XIème siècle

L'organisation des corporations est maintenant stabilisée, elles sont régies par des statuts (châtres) approuvés par le pouvoir royal. Ne peuvent faire partie de ces corporations que les patrons et leurs ouvriers, c'est-à-dire les maîtres et les valets (le terme compagnon n'est pas encore utilisé). Pour exercer un métier il est impératif d'être membre de la corporation qui elle-même est contrôlée par des jurés. Les apprentis n'ont pas de réelle existence et ne font pas partie des corporations mais ont vocation à y entrer.

XIIème siècle

En 1175 le mot « apprentis » apparaît et désigne celui qui apprend un métier manuel. Chrétien de Troyes. Titre Le roman de Perceval ou le conte du Graal (Come hardis et fors et fiers Les encontre trestoz ensamble; Cui il ataint, pas ne li samble Que il soit d'armes aprentis).

XIIIème siècle

Le mot apprentissage apparaît. En 1268, le « Livre des métiers » rédigé par le prévôt de Paris, Etienne Boileau donne une description très précise de ces institutions. La réglementation de l'apprentissage lorsqu’elle est exprimée, est à cette époque très précise.

L’édition du « Livre des métiers » par René de Lespinasse et François Bonnardot en 1869 comprend une introduction traitant de la situation des apprentis particulièrement riche et précise :

Introduction / Organisation intérieure des métiers / Les apprentis :

L'apprentissage est payant pour la famille du jeune qui doit avoir entre 10 et 12 ans à son entrée en apprentissage et y restera entre 5 et 6 ans. Sur ce contrat passé devant notaire les engagements des parties sont précisés. Ainsi le maître devra dispenser une formation professionnelle, une éducation morale et intellectuelle. De son côté l'apprenti devra obéir et être fidèle à son maître. Il devra aussi manifester l'amour et la crainte de Dieu. Au rang des obligations, l'employeur se verra limiter dans le nombre d'apprentis au sein de ses ateliers et devra justifier de sa qualification professionnelle. Vers l'âge de dix-huit ans le compagnonnage marque l'entrée dans la corporation et la possibilité d'envisager un avenir professionnel en son sein. Pour cela le jeune compagnon voyagera, travaillera pour le compte de plusieurs maîtres successifs et présentera son "chef-d'œuvre" à ses pairs pour son accession à la maîtrise. Il devra aussi payer des droits d'admission et attendre qu'une place soit vacante pour avoir pignon sur rue.

Dans le même temps, une lente dérive vers le protectionnisme et le corporatisme se dessine en traçant des frontières très précises entre les secteurs d'activité des corporations. Ce repli sur soi s'exprime aussi dans la formation des apprentis qui devront franchir trois échelons hiérarchiques : apprenti, compagnon puis maître. Le passage d'un stade à l'autre passage qui sanctionne l'acquisition de connaissances professionnelles n'est pas qu'une simple promotion mais relève du rite de passage des sociétés initiatiques.

XVème siècle

Définition du contrat d'apprentissage : le contrat est un acte par lequel un valet qui n'a pas encore de formation professionnelle, engage ses services auprès d'un maître qui, en contrepartie, assure cette formation. Une importante baisse démographique due aux guerres et maladies provoque une pénurie de main d'œuvre. Les maîtres sont alors parfois amenés à rémunérer leurs apprentis. Il n'est donc plus possible d'écrire que l'apprenti paye pour être formé et que le compagnon est payé pour travailler.

Dans son ouvrage « Les enfants au travail, contrats d'apprentissage en Orleanais (1380-1450) », Mme Françoise Michaud-Fréjaville cite :

« Toute personne qui voudra estre tixier en drap en la dite ville et avoir la maistrise dudit mestier sera aprentiz et servira ung maistre aiant la franchise per le temps de iiii ans... Ledit aprantiz sera demorant chielz sondit maistre et "a ses despens durant lesdi iiii ans... Aucun maistre... Ne pourra avoir qu'ung varlet ne l'aprantiz qu'un maistre durant iceulx iiii ans se non par esforce de mort. » Tels sont les premiers articles du règlement du métier de tixier en drap d'Orléans en 1401 

XVIIème siècle

Le mouvement compagnonnique prend de l'ampleur et assure aussi des cours de perfectionnement aux compagnons. La formation des apprentis perdure sans grandes modifications, sous la tutelle du maître, sans cours dispensés dans un lieu extérieur.

XVIIIème siècle

Les corporations ont vu leurs buts se détourner des objectifs initiaux, le corporatisme est institutionnalisé et l'apprentissage en est devenu le principal outil. Les droits d'accès à la maîtrise sont très élevés et de nombreux fils de maîtres sont exemptés de chef-d'œuvre, ce qui a pour conséquence directe d'abaisser le niveau général de qualification et de fermer un peu plus l'accès à l'apprentissage par de nouvelles clauses dont une plus particulière : « L'apprenti doit être français et catholique ». La situation est verrouillée jusqu'au début du règne de Louis XVI où Turgot, alors contrôleur général des finances depuis le 4 août 1774, lance une série de réformes visant à déréglementer le système économique alors en vigueur.

La situation de l’apprentissage à Paris au XVIIIème siècle est parfaite documenté dans un article publié par Steven Laurence Kaplan en 1993.

12 mars 1776

Par Édit du Roi, Turgot tentera la suppression des corvées, des jurandes et des maîtrises, des droits sur les grains à la halle, des charges sur les ports et bien d'autres mesures que l'on peut oser qualifier de révolutionnaires.

12 mai 1776

Face aux pressions du monde artisanal Turgot doit faire le deuil de ses projets. Il est renvoyé. Un nouvel édit en août de la même année abrogera les six édits précédents. Il mourra d'une crise de goutte le 20 mars 1781 à l'âge de 54 ans. Ce que Turgot ne fera pas la révolution le règlera plus que rapidement en 1791.

2 mars 1791

La loi d'Allarde (décret du 17 mars) dans son article 7, précise : "Il est libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession ou métier qu'elle trouvera bon ; mais elle sera tenue de se pourvoir auparavant d'une patente, d'en acquitter le prix suivant les taux ci-après déterminés et de se conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits. ". La patente, qui peu ou prou se substitue aux droits d'admission à la maîtrise encaissés par les corporations. La liberté d'entreprendre est née. Il est important de noter que le texte ne précise pas l'interdiction d'existence des corporations. Conséquence pour l'apprentissage qui n'est pas interdit pour autant, il persiste sans aucune réglementation, de graves abus seront donc commis jusqu'en 1803.

14 juin 1791

La loi Le Chapelier interdit l'existence de toute organisation professionnelle, patronale ou salariale. Par conséquent, elle supprime toute réglementation concernant l'apprentissage, Le contrat d'apprentissage n'existe plus. Pour clore définitivement le dossier, la constitution du 3 septembre 1791 dit qu'il n'y a plus ni jurandes, ni corporations de professions, arts et métiers".

Marat regrette ces lois et Robespierre s'en réjouit. De fait, les corporations n'existent plus mais l'esprit du compagnonnage et de l'apprentissage perdureront.

28 juin 1793

Décret concernant le secours aux indigents et en particulier aux enfants abandonnés. Celui-ci précise dans son Titre 1, au point 21 : "les enfants, secourus par la nation, parvenus à l'âge de douze ans et qui auront montré un goût et de l'aptitude pour une profession mécanique, seront mis en apprentissage aux frais de la Nation". En cette fin de XVIIIème siècle l'industrie naissante et ses manufactures manquent de personnel, il est donc décidé d'orienter les jeunes vers ce secteur en utilisant l'apprentissage. Celui-ci est tombé bien bas, il ne concerne que les enfants d'indigents. 

Le XIXème siècle

12 avril 1803 (22 germinal an XI)

Cette loi plus connue pour la création du « Livret d’ouvrier » limitera les abus de l'apprentissage en protégeant les libertés de l'apprenti vis-à-vis de son employeur, et ce dernier contre l'éventuelle mauvaise foi de son apprenti. L'apprenti est plus considéré comme un aide que comme un élève et l'employeur n'a pas de devoir éducatif. Il n'existe pas de conditions d'âge et le contrat n'est pas nécessairement écrit.

2 novembre 1810 (en Prusse)

Un édit royal établit la liberté d'industrie sans que les corporations soient supprimées mais l'adhésion à celles-ci n'est plus obligatoire, mais seulement facultative.

1827

L'abbé de Berrangé / Bervanger, fonde l'Institution Saint-Nicolas rue de Vaugirard à Paris. La démarche de l'abbé Berrangé était de dispenser une formation technique à l'enfant avant de le lancer dans la dureté de la vie professionnelle. L'aspect novateur de sa démarche résidait dans le principe consistant à introduire l'atelier dans l'école.

28 juin 1833

La loi Guizot sur l'instruction primaire précise dans son article 9 « Toute commune est tenue, soit par elle-même, soit en se réunissant à une ou plusieurs communes voisines, d'entretenir au moins une école primaire élémentaire ».

L'enseignement primaire élémentaire comporte les éléments suivants : instruction morale et religieuse, lecture, écriture, éléments de la langue française et du calcul, système légal des poids et mesures. L'instituteur communal devra disposer "d'un local convenablement disposé, tant pour lui servir d'habitation que pour recevoir ses élèves. D'un traitement fixe qui ne pourra être moindre de deux cent francs" (Article 12). Ces communes devaient aussi créer des Écoles Primaires Supérieures (EPS) dans lesquelles étaient enseignés des éléments de géométrie, de sciences physiques et naturelles, d'histoire et de géographie, et des applications usuelles de ces disciplines. L'objectif des EPS était d'offrir aux classes moyennes un enseignement allant au-delà de l'école élémentaire sans pour autant entrer dans l'enseignement secondaire. Il est admis que cette loi était aussi en partie destinée à contrebalancer le pouvoir des prêtres sur les familles et les enfants des petites communes.

La mise en place de ces nouvelles écoles se fait difficilement, bien souvent les EPS sont annexées aux collèges municipaux. Cette organisation semble stabilisée vers 1840. http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/loi_22_mars_1841-2.pdf

22 mars 1841

La loi relative au travail des enfants employés dans les manufactures, usines et ateliers apporte des précisions de condition d’exercice et d’âge des enfants au travail

  • Les enfants de moins de huit ans ne sont pas admis au travail.
  • De huit à douze ans ils ne pourront travailler plus de huit heures.
  • De douze à seize ans ils ne pourront travailler plus de douze heures.
  • Le travail ne pourra être exercé qu’entre cinq heures du matin et neuf heures du soir.

Cette loi vivement combattue ne sera pas appliquée, il faudra attendre le recadrage de la « Loi Carnot »

17 juillet 1845 (en Prusse)

Le nouveau code industriel général de la Prusse (All guemeine Gewerbe Ordnung für Prussen) abaisse à nouveau les privilèges et monopoles des corporations tout en confirmant leur existence et fonctions en matière de surveillance de l'apprentissage.

1848

Le projet de loi sur l'instruction primaire de Lazare-Hyppolyte Carnot prévoit le développement des EPS, mais l'opposition de Thiers et des institutions religieuses ajoutées aux soulèvements populaires de 1848 ont un triple effet :

Il n'est plus fait mention des EPS.

Pour les institutions religieuses la quasi-disparition de l'apprentissage et la création des EPS est ressentie comme un risque pour l'ordre moral, (plusieurs écoles techniques confessionnelles verront le jour).

La loi Falloux est rédigée dans cet état d'esprit (Frédéric Alfred Pierre, Vicomte de Falloux du Coudray est né le 7 mars 1811. Elu en 1848 à la chambre de députés, Il décède le 6 janvier 1885).

9 février 1849 (en Prusse)

Suite à la pression des artisans, Frédéric-Guillaume IV abolit par ordonnance la liberté industrielle pour plus de soixante-dix métiers et rend ainsi obligatoire l'adhésion à la corporation, donc le fait d'avoir satisfait aux examens de capacité préalables aux admissions.

15 mars 1850

Rédigée par le comte Frédéric Alfred Pierre de Falloux après les soulèvements populaires de 1848, la loi Falloux, supprime de fait le monopole d’état dans l’enseignement établi par Napoléon 1er et rétablit l'autorité du clergé sur l'enseignement primaire en favorisant la création d'écoles libres. Elle affirmait pour l'enseignement primaire le primat de l'éducation religieuse sur les autres matières et la prépondérance du curé sur l'enseignement dispensé tandis que pour l'enseignement secondaire elle laissera l'indépendance la plus totale aux établissements "privés". Ainsi l'évêque siégeant au conseil académique pouvait sur simple rapport du curé faire muter un enseignant. Ces mutations draineront les compétences vers les établissements "privés".

Les expériences de l'abbé Berrangé et des congrégations religieuses sont observées avec le plus grand intérêt par les dirigeants de l'industrie naissante qui voient dans ces écoles techniques le moyen de préparer la main-d'œuvre dont ils ont le plus grand besoin.

Parmi ces congrégations religieuses, les frères des écoles chrétiennes créent "L'œuvre des apprentis". Cette organisation prévoit la mise en relation des futurs apprentis et de leurs employeurs, l'organisation d'un minimum de deux heures de cours par jour, un suivi pédagogique et un placement en fin de formation.

22 février 1851

Cette nouvelle loi du 22 février 1851, confirme l'ancienne situation qui fait de l'apprenti un salarié ordinaire, sans protection particulière dont le contrat peut être écrit ou oral.

Le contrat d'apprentissage n'est pas un contrat de travail, il se superpose à celui-ci. L'employeur se doit simplement d'obéir à quelques principes moraux énoncés dans son article 8 :

"Le maître doit se conduire envers l'apprenti en bon père de famille, surveiller sa conduite et ses mœurs, soit dans la maison, soit au dehors, et avertir ses parents ou représentants des fautes graves qu'il pourrait commettre ou des penchants vicieux qu'il pourrait manifester…".

"Il n'emploiera l'apprenti, sauf conventions contraires, qu'aux travaux et services qui se rattachent à l'exercice de sa profession. Il ne l'emploiera jamais à ceux qui sont insalubres ou au-dessus de ses forces.

L'organisation du travail et des cours est quant à elle précisée à l'article 10 :

"Si l'apprenti âgé de moins de seize ans ne sait pas lire, écrire et compter ou s'il n'a pas encore terminé sa première éducation religieuse, le maître est tenu de lui laisser prendre sur sa journée de travail le temps et la liberté pour son instruction, néanmoins, ce temps ne pourra excéder deux heures par jour.

Dans le même temps de nombreuses petites entreprises et entreprises artisanales ressentent le même besoin que les grandes entreprises citées plus haut sans pouvoir créer leurs propres écoles d'entreprises, ni vouloir recruter des apprentis qu'il leur faudra former sur le tas. Les municipalités en seront le catalyseur en créant leurs propres écoles professionnelles, les écoles municipales sont nées.

Dans le même temps, les anciennes écoles primaires supérieures (EPS) ayant survécu à la loi Falloux en devenant des écoles primaires publiques ou libres selon les villes, prennent le nom d'école professionnelle. Ce fut le cas de l'école de Nantes dont le premier directeur Arsène Leloup fut aussi maire de la ville, (archives et bibliothèque municipale de la ville de Nantes).

Devant le succès remporté par les écoles professionnelles confessionnelles, les écoles d'entreprise et les écoles municipales, l'Etat réagira par l'entremise de deux de ses ministères en 1880 et 1886.

Ce milieu de siècle marque la charnière entre deux époques. Jusqu'ici le patron pouvait être aussi le maître d'apprentissage, l'entreprise était quasiment toujours artisanale et l'apprenti, souvent logé chez son maître, était "éduqué' par celui-ci.

1856

Les capitaines d'industrie naissent les premières écoles d'entreprises. Ainsi au Creusot, une section spéciale sera ouverte en 1856 dans l'École Schneider, pour préparer aux Arts et métiers et prendra un grand essor.

Après 1860, la majorité des apprentis ne sont plus logés chez leur employeur qui est souvent devenu un gestionnaire, un patron d'industrie. Ce mouvement amorcé dès 1830 prend maintenant son ampleur en ne laisse quasiment subsister l'apprentissage traditionnel que dans les entreprises artisanales. Le champ de l'apprentissage se réduit donc d'autant.

21 juin 1869 (en Allemagne)

Loi applicable à toute la confédération de l'Allemagne du Nord confirmant la liberté d'entreprise commerciale et industrielle. Les corporations ne sont plus obligatoires mais persistent sous forme d'associations libres. Le principe des corporations obligatoires persistera en Autriche jusqu'en 1859, en Wurtemberg jusqu'en 1861, en Saxe jusqu'en 1862.

19 mars 1870

Création par décret du Conseil Supérieur de l'Enseignement Technique. Il est en charge  de la répartition des subventions d’Etat et de l’inspection des écoles techniques.

19 mai 1874

Cette loi sur le travail des enfants et des filles mineures employés dans l’industrie précise que le travail des enfants de douze à seize ans est limité à douze heures par jour, que les apprentis doivent être âgés de plus de 12 ans et avoir suivi une scolarité jusqu'à cet âge dans un contexte où la scolarité n'est pas encore obligatoire.

Sa section VI prévoit la création d’un corps d'inspecteurs chargés du respect de cette loi est créé, ils sont l'origine du corps des Inspecteurs du Travail.

1876

Conséquence de la loi Falloux de 1850 et du pouvoir donné aux Évêques dans les conseils académiques sur la gestion du personnel : Les collèges gérés par les congrégations religieuses ont un effectif de 48000 élèves contre 40000 dans les collèges publics. Une contre-réaction des laïcs est maintenant inéluctable.

11 décembre 1880

Pour suppléer à la pratique du contrat d'apprentissage qui menace de disparaître cette loi crée des "écoles manuelles d'apprentissage publiques et privées" en intégrant les diverses écoles professionnelles créées par les communes et départements.

Les "Cours d'Enseignement Professionnel", qui seront appelés "Cours Professionnels", sont créés, au sein des Ecoles Primaires Supérieures (EPS) qui renaissent ainsi de leurs cendres, par le ministère de l'instruction publique pour les enfants poursuivant leur scolarité obligatoire par un enseignement technique.

1881

Les Écoles Nationales Professionnelles (ENP)  sont créées par décret à compter du 9 juillet 1881 par le ministère du commerce et de l'industrie. Elles deviendront en 1960 les Lycées Techniques d'Etat (LTE)

16 juin 1881

Loi établissant la gratuité absolue de l’enseignement primaire dans les écoles publiques et précisant l'obligation de scolarisation gratuite des enfants de moins de 12 ans. Le travail est interdit aux enfants de moins de 12 ans depuis la loi du 19 mai 1874.

18 juillet 1881 (en Allemagne)

Loi confirmant l'aspect facultatif des corporations allemandes mais renforçant ses avantages dans le but de soutenir les métiers contre la montée en puissance de la grande industrie.

18 mars 1882

Loi établissant l'obligation de la laïcité de l'enseignement primaire avec mise au programme des "travaux manuels et l'usage des principaux outils", et "des travaux à l'aiguille" pour les filles.

28 mars 1882

Loi sur l’enseignement primaire obligatoire qui était fixée jusqu'à l'âge de 12 ans, passe à 13 ans. Dans le même temps, le travail est interdit aux enfants de moins de 13 ans.

18 mars 1883 (en Autriche)

Loi rétablissant les corporations obligatoires pour la petite industrie.

21 mars 1884 (en Hongrie)

Loi rétablissant les corporations obligatoires pour la petite industrie.

27 février 1888 (en Allemagne)

Le paragraphe 120 de la loi sur les professions (Gewerbe Ordnung) porte l'obligation pour les patrons d'accorder à leurs ouvriers âgés de moins de dix-huit ans les heures nécessaires pour fréquenter régulièrement un établissement d'instruction reconnu par la commune ou par l'état tandis que les communes ont le choix de décider de l'organisation de cours obligatoires ou facultatifs. Les grandes villes d'Alsace-Lorraine feront le choix des cours obligatoires, gratuits, sur le temps de travail et à raison de huit heures par semaine.

1892

L'école est toujours obligatoire jusqu'à l'âge de treize ans et le travail des enfants limité à dix heures par jour pour les treize à seize ans, à 11 heures pour les 16 à 18 ans et les femmes, et à12 heures pour les hommes de plus de 18 ans. Ces régimes variés posent des problèmes d'organisation aux industriels qui pour certain décident de ne pas respecter la loi en appliquant le régime de 11 heures pour tous sous condition de "mansuétude" des inspecteurs du travail. En outre cette mesure générait un relatif mécontentement des hommes qui estimaient, dans certains cas, pouvoir travailler et gagner plus. D'autres patrons réagissent en incluant des "ateliers-école" où ils regroupent femmes et enfants de moins de 18 ans.

Dans le même temps, les sections de "Cours Professionnels" organisées en 1880-82 au sein des Ecoles Primaires Supérieures (EPS) sont rebaptisées Ecoles Pratiques du Commerce et de l'Industrie (EPCI). Mais certaines EPS ne subiront pas ce transfert et seront largement impliquées dans le débat du préapprentissage qui s'ouvrira entre 1900 et 1910. Les EPCI deviendront des Collèges Techniques en 1941. C'est en effet à cette date charnière, alors que l'apprentissage traditionnel est bel et bien mort depuis plusieurs décennies et que la formation technique des jeunes se pratique en milieu scolaire sous la tutelle du ministère de l'instruction publique d'une part, et du ministère du commerce et de l'industrie d'autre part, que l'on assiste à un regroupement de ces deux systèmes de formation sous une seule enseigne (EPCI). Les Ecoles Pratiques du Commerce et de l'Industrie seront placées tout naturellement sous la tutelle du ministère du commerce et de l'industrie qui créera une Direction de l'Enseignement Technique (DET).

26 juillet 1897 (en Allemagne)

Les Chambres de Métier sont créées alors qu'elles ne le seront en France que vingt-huit ans plus tard, le 25 juillet 1925.

Cette loi vient modifier la loi sur les professions (Gewerbe Ordnung) et autorise la création de corporations obligatoires à côté des corporations facultatives. Son article 100 précise : "dans l'intérêt professionnel commun des métiers similaires ou connexes, l'administration supérieure devra, sur la requête des intéressés, ordonner que tous les patrons d'une circonscription déterminée exerçant le même métier ou des métiers connexes seront obligés de s'affilier à une corporation nouvelle à créer". L'organisation et le contrôle de l'apprentissage est une des principales missions des Chambres de Métiers.

1895

Tel le phénix renaissant de ses cendres, dans un contexte où l'on pourrait qualifier l'apprentissage de "mort clinique", une convention est passée entre la Fédération des travailleurs du Livre et l’Union nationale des maîtres Imprimeurs. Elle organise un contrat d'apprentissage type dans l’objectif de réguler et contrôle le bon accès à leurs professions. Le contrat d'apprentissage retrouve une formulation écrite, tout au moins pour ce secteur.

12 avril 1898 (en Allemagne)

Les artisans alsaciens et lorrains demandent le bénéfice de l'application des lois de 1897 et obtiennent par arrêté la création des corporations pour leurs départements, en vue de la création de leur future Chambre de Métiers.

6 décembre 1899 (en Allemagne)

En application de la loi d'Empire du 26 juillet 1897, est créé par décret du Statthalter d'Alsace-Lorraine la Chambre de Métiers d'Alsace-Lorraine, afin de porter secours à la petite industrie de plus en plus menacée par les grandes usines. Cette Chambre de Métiers sera scindée en deux chambres départementales (d'Alsace et Moselle) indépendantes, sous l'égide du gouvernement français le 1er janvier 1923.

Le XXème siècle,

27 décembre 1900

Par cette loi le ministère du commerce et de l'industrie gagne une bataille, tous les établissements techniques et professionnels qui jusque-là étaient placées sous le condominium des deux ministères de l'instruction publique et du commerce, passent sous son autorité. Les cours professionnels (formation des apprentis) créés en 1880 sont concernés par cette mesure.

Dès 1900 la psychanalyse et les sciences de l'éducation alors naissantes imposent un nouveau sens au terme apprentissage, au sens traditionnel il faut maintenant superposer celui des cognitivistes, Piaget, Vygotsky et Bruner.

Parallèlement, en ce début de siècle naît l'usage du néologisme "préapprentissage", celui-ci renvoie au concept d'une formation technique qui serait dispensée aux plus jeunes, appelés à devenir apprentis. Il est ici nécessaire de rappeler que les apprentis sont considérés comme de jeunes professionnels ne suivant pas de formation dans le cadre de leur contrat de travail. Les seuls cours que les apprentis puissent suivre sont les cours professionnels dispensés aux apprentis et adultes hors du temps de travail. (Voir loi du 30 octobre 1886, Art 8, et décret d'exécution du 18 janvier 1887, Art 98-105, modifié par décret du 11 janvier 1895). Ce débat sur le préapprentissage est formalisé dans le projet de loi du commerce F. Dubief en 1905, organisant l'enseignement technique public, qui était alors placé sous l'autorité de ce ministère. Ce projet, qui sera repris dans la loi Astier, précisait une forme d'enseignement technique obligatoire (cours professionnels) pour les jeunes de moins de 18 ans employés dans les entreprises du commerce et de l'industrie. Les jeunes apprentis de l'artisanat ne sont donc pas concernés.

Il faut ici ouvrir une parenthèse et donner quelques précisions concernant ce violent débat, qui durant presque une décennie opposa une fois de plus les ministères de l'industrie et du commerce à celui de l'instruction publique. Les congrégations religieuses mises hors-jeux par les lois de 1904, seuls ces deux ministères restaient en concurrence sur le territoire de l'enseignement technique, avec la ferme intention de rester seuls en situation de monopole. Un important travail de "lobbying" fut réalisé, d'une part pour le compte du ministère de l'instruction publique, gestionnaire des EPS, par l'Association Amicale des Fonctionnaires des EPS fondée en 1900, et d'autre part, pour le compte du ministère de l'industrie et du commerce, gestionnaire des EPCI, par l'AFDET fondée en 1902.

1904

La durée du travail, qui depuis 1892 était de 10 heures pour les 13-16 ans et 11 heures pour les 16-18 ans et maintenant fixée à 10 heures pour tous, dès lors qu'adultes et mineurs sont réunis dans un même atelier (Application de la loi du 30 mars 1900). Cette mesure ne concerne pas les adultes dont la durée du travail peut être maintenue à 12 heures en l'absence de mineurs. La solution est toute trouvée par les industriels : séparer les adultes des mineurs afin de garder les premiers sous le régime des 12 heures, et créer des ateliers d'apprentissages qui seront encadrés par quelques adultes.

Dans le même temps, apparaissent les lois de laïcisation de l'enseignement qui forcent les congrégations religieuses à rechercher d'autres voies de remplacement dans les villes où elles étaient particulièrement installées, et pousse à l'augmentation de la durée de scolarisation obligatoire par l'intermédiaire de La ligue de l'enseignement.

1er décembre 1905

Au cœur du débat sur l'enseignement technique et quelques mois après le dépôt du projet de loi Dubief, Charles Kula, membre de l'aristocratie catholique fonde une société pour le développement de l'apprentissage dans les métiers du bâtiment. Il est aidé dans cette tâche par des architectes et groupements professionnels désirant ainsi compenser l'effet négatif des lois de laïcisation sur les établissements d'enseignement technique confessionnels.

30 mai 1908 (en Allemagne)

Un arrêté du code industriel d'Alsace-Lorraine confère à la Chambre de Métiers locale le pouvoir de déterminer les conditions d'admission aux formations d'apprentis, le nombre d'apprentis, l'établissement d'un contrat-type d'apprentissage, le contrôle de l'exécution des contrats avec pouvoir de sanction. Son article 133 rétablit l'examen de maîtrise de façon facultative et en fait une condition de l'autorisation à former des apprentis.

1906

Le projet de Charles Kula se concrétise par la construction, puis l'ouverture en janvier de cette année, d'un atelier que l'on pourrait qualifier de préapprentissage, puisque dispensant une formation d'initiation à la ferblanterie à temps plein sur deux ans destinée à des enfants de plus de treize ans et désirant à devenir apprentis. Il est important de noter que cette formation ne comprend pas d'enseignements généraux, elle suit le principe des ateliers d'apprentissage décrits plus haut mais organisés en "inter entreprise" et sans objectif de production. Les élèves de cet atelier école, étaient dans le même temps orientés pour des compléments d'enseignements généraux, dispensés en cours du soir et le dimanche par les congrégations religieuses. Nous pouvons noter pour l'anecdote que cet atelier-école fût ouvert au 51 bis, rue des épinettes dans le dix-septième arrondissement de Paris. A cette même adresse fut installé durant de longues années le Centre de Formation d'Apprentis du cycle et du motocycle avant qu’il ne se déplace sur la commune du Bourget. (http://www.incm.asso.fr )

1910

Incorporation de la loi du 22 février 1851 sur l'apprentissage, au livre premier du Code du Travail (articles 1 à 18).

L'âge de fin de scolarité obligatoire qui était jusqu'ici de onze ans est relevé à l'âge de douze ans. Le terme "préapprentissage" fait son apparition. Il qualifie une formation technique, basée sur les principes de Charles Kula, que l'on peut qualifier d'initiateur de ce mouvement qui provoquera l'ouverture de quatre cours de préapprentissage organisés dès 1911 dans des écoles publiques parisiennes.

1911

Création du Certificat de Capacité Professionnelle (CCP) qui deviendra le Certificat d'Aptitude Professionnelle (CAP).

Pour faire suite au débat sur le préapprentissage, la plus grande confusion s'installe dans les esprits avec la création, par la direction de l'enseignement primaire de la Seine (conseil municipal de Paris du 3 avril 1911), de cours portant le nom de préapprentissage mais destinés cette fois aux apprentis en situation professionnelle, sous la forme de cours du soir et du jour. Vers la fin 1912, la situation se clarifiera, ces cours professionnels destinés aux apprentis seront appelés "cours d'apprentis" par leurs créateurs qui tenteront de dévaloriser les cours de préapprentissage (tendance Kula) en les qualifiant de méthode pédagogique adaptée aux attardés incapables d'obtenir le certificat d'études (Inspecteur Jully 1917).

Un autre débat perdurera jusqu'en 1914 concernant la formation par l'apprentissage en entreprise opposant le secteur artisanal qui se satisfait de la réglementation dépassée de 1851 au reste du secteur industriel et commercial. En cette période d'avant-guerre, le secteur artisanal n'est pas encore représenté par le réseau des Chambres de Métier à venir, mais par des associations de métiers (loi de 1901). Les premières propositions de loi relatives à la création des Chambres de Métier seront faites en 1917. Force est de constater qu'à la veille de la première guerre mondiale l'apprentissage est bien mort dans de très nombreux métiers, et ne constitue même plus un moyen de formation, mais seulement le réservoir d’une jeune main d'œuvre non qualifiée et peu coûteuse pour les professions concernées.

17 mars 1911

Création de la Chambre de Métiers de la Haute Vienne. Constatant un phénomène de crise de l'apprentissage, la Chambre de Commerce de Limoges adopte les statuts d'une association ayant pour objet de donner aux apprentis l'instruction professionnelle qui leur faisait défaut : la Chambre de Métiers de la Haute Vienne et Créée avec un lien fonctionnel envers la Chambre de Commerce. Lien identique à celui qui existe actuellement entre un CFA et sa Chambre de Métiers.

2 au 5 octobre 1911

Le congrès national de l’apprentissage à de l’exposition de  Roubaix traite de nombreux sujets dont celui de la possibilité de la création d’un réseau de Chambres de Métiers. Il aurait vocation à organiser l’apprentissage de façon uniforme sur l’ensemble du territoire national.

1913

Création de la Chambre de Métiers des industries métallurgiques de Lyon. Celle-ci possède la particularité d'être créée non par la Chambre de Commerce, mais par la Chambre Syndicale des Industries Métallurgiques du Rhône.

28 juillet 1914

Constatant aussi un phénomène de crise de l'apprentissage, la Chambre de Commerce d'Angers fonde la Chambre de Métiers du Maine et Loire. Plus autonome que la Chambre de Métiers de Limoges, elle ne restreint pas son activité aux cours d'apprentissage, mais organise aussi d'autres activités dont les Cours Professionnels, tout en restant gérée par la Chambre de Commerce.

11 décembre 1917

Proposition de Mr Maurice Bouilloux-Lafont, député, concernant la création des Chambres de Métier en France.

1918

La fin de la première guerre mondiale et l'annexion de l'Alsace oblige le gouvernement à prendre en compte la situation de cette province, aux institutions très germaniques. La loi Astier et la création des Chambres de Métier en 1925 en seront les conséquences.

8 février 1918

Proposition de Mr Régis de l'Estourbeillon, député, concernant la création des Chambres de Métier en France.

1919

La durée du travail qui était de 10 heures depuis 1904 est ramenée à 8 heures par jour.

24 décembre 1919

En cadeau de Noël, un décret donne le statut d'établissement public à la Chambre de Métiers de Bordeaux (statut particulier de Chambre Régionale de la Gironde et du sud-ouest). Celle-ci aurait dû naître dès l'été 1914 suite aux conclusions du Comité Départemental de l'Enseignement Technique de Gironde, Mais les affres de la guerre ont reporté ces projets.

4 juillet 1919

Vote de la loi relative à l'organisation de l'enseignement technique industriel, dite loi Astier promulguée le 25 juillet 1919 de cette même année. Au sortir de la guerre, c'est une France exsangue et saignée de ses forces vives qui doit se reconstruire. L'ensemble du système éducatif doit être remis à plat et l'enseignement technique n'y coupe pas. La loi Astier propose une véritable révolution culturelle. Elle impose une scolarité obligatoire, jusqu'à l'âge de dix-huit ans sous une forme particulière et novatrice : elle rend obligatoire sur le temps de travail du jeune salarié, le suivi de cours professionnels et de perfectionnement, à raison de cent cinquante heures par an (une demi-journée par semaine) pour tout jeune salarié de moins de dix-huit ans. Et ce, quelle que soit la nature de son contrat de travail, y compris le contrat d'apprentissage. Cette formation sera suivie par la mise en place d'un livret d'assiduité et pourra être sanctionnée, au bout de trois ans, par un nouveau diplôme, le Certificat d'Aptitude Professionnelle (CAP), qui remplace alors le Certificat de Capacité Professionnelle (CCP).

Ce texte majeur lance les bases de l'apprentissage rénové, de la formation en alternance, ainsi que de la formation professionnelle pour adultes. Le Conseil Supérieur de l'Enseignement Technique créé en 1870 est conforté dans ses actes et des Inspecteurs de l'Enseignement Technique sont nommés par le ministère de tutelle (commerce et industrie). Parmi les mesures importantes nous noterons : conditions de recrutement des personnels des centres de formation, subventions à ces mêmes établissements, élaboration de programmes de formation. Les Cours Professionnels, issus de ceux créés en 1880 et rattachés à l'autorité du ministère du commerce et de l'industrie, se voient confirmés leur rôle d'institution chargée de la formation des apprentis. Ils seront gérés par les communes sans qu'une réelle organisation de leur financement ne soit prévue.

Cette loi sur l'apprentissage ne prévoit pas le concours des Chambres de Métier pour assurer la formation des apprentis. Cependant, des pourparlers existaient sur le plan local et il fut entendu que le gouvernement déposerait à bref délai un projet de loi sur les Chambres de Métier.

Cette situation explique la position de la Chambre de Métiers d'Alsace-Lorraine ci-dessous exposée.

La situation pédagogique de l'apprentissage en Alsace-Lorraine rend inutile l'application du titre V de la Loi Astier, relative à l'organisation des cours professionnels obligatoires. La DET propose donc l'application des quatre premiers titres relatifs aux "dispositions générales", "autorités préposées à l'enseignement technique", "écoles publiques d'enseignement technique et écoles de métiers", "écoles techniques d'enseignement technique privées". Cependant, le Conseil Consultatif d'Alsace-Lorraine considérant la loi Astier incomplète et susceptible de perfectionnement, ajourne ces dispositions, institue une commission chargée de l'étude des systèmes d'éducation étrangers, pour essai en Alsace-Lorraine, et extension ultérieure au reste du territoire français.

Janvier 1920

Ce que le ministère du commerce et de l'industrie a gagné en 1900, il le perd en 1920 : les cours professionnels passent sous la tutelle du ministère de l'instruction publique. Pour cela, un secrétariat à l'enseignement technique rattaché au ministère de l'instruction publique, est créé, la DET est simplement transférée auprès de ce nouveau service Cette décision du Président du Conseil, Mr Alexandre Millerand, n'est qu'un épisode supplémentaire de la bataille que se livrent depuis plus de vingt ans les deux ministères. Déjà en 1892, les EPS rebaptisées EPCI étaient retirées de la tutelle du ministère de l'instruction publique pour rejoindre celle du ministère du commerce et de l'industrie.

De la coopération obligatoire entre les ministères du commerce et de l'industrie, et de l'instruction publique, se constituera le principe de l'enseignement technique à l'école (l'atelier dans l'école), en opposition au système de l'apprentissage, qui ne perdurera que pour les métiers les plus traditionnels de l'artisanat.

Septembre 1920

Sous l'initiative de la Chambre de Commerce d'Alençon, création de la Chambre de Métiers de l'Orne. Celle-ci mettra en place un contrat-type d'apprentissage et organisera des cours aux apprentis, à raison d'une heure et demie de cours par semaine en soirée (contre huit heures en journée pour l'Alsace).

Création dans le même temps des Chambres de Métier de la Sarthe, de l'Indre et Loire, de Bretagne…

21 décembre 1920

Préservant l'intégralité de son statut, la Chambre de Métiers d'Alsace-Lorraine est obligée de tenir compte de la situation des artisans venant de l'intérieur de la France, et désirant s'établir en Alsace-Lorraine sans pour autant disposer des diplômes requis. Elle se réserve donc le droit de les dispenser de compagnon, ou même de maître. Cette faveur ne sera que rarement demandée (voir " Les Chambres de Métier en France, Marcel Barraud", Université de Paris, 1925).

Juillet 1921

Création de la Chambre de Métiers de l'Aube.

Novembre 1921

Création de la Chambre de Métiers de Poitiers et de la Vienne.

16 novembre 1921

Amendement de Mr de Dion, tendant à modifier les articles 4 et 23 de la proposition de Mr Verlot, concernant la création des Chambres de Métier du 30 juin 1921.

Février 1922

Sur le principe de la Chambre Régionale des Métier de la Gironde, est créé la Chambre de Métiers de Clermont-Ferrand et de la région du centre.

26 septembre 1922

Un décret organise l'orientation professionnelle et la création de centres d'orientations. L'application de ce décret ne sera pas des plus exemplaires.

26 novembre 1922

Proposition de Mr Courtier, député, et du groupe parlementaire de défense artisanale, pour la création des Chambres de Métiers en France.

 

1er Janvier 1923

La Chambre de Métiers d'Alsace-Lorraine est subdivisée en deux chambres départementales (d'Alsace et Moselle) indépendantes. Ces deux chambres créées sous régime allemand en 1899 fonctionnent en utilisant les dispositions du droit allemand. Dans cette même année, le gouvernement prononcera l'équivalence entre le Brevet de Compagnon local et le CAP créé par la loi Astier.

1923

Le mouvement de création des Chambres de Métiers en France s'accélère avec les Chambres de la Mayenne, de Meurthe et Moselle, du Gard (Chambre d'apprentissage du Gard, 5 mai 1923), etc.…

13 novembre 1924

Le rapport d'un député, Mr Courtier, attire l'attention du gouvernement sur la nécessité absolue de créer les Chambres de Métiers à l'image de celles d'Alsace et Lorraine

13 juillet 1925

Création de la taxe d'apprentissage. Représentant 0,2 % de la masse salariale de toute activité industrielle, commerciale ou artisanale, elle doit être versée par l'entreprise à l'établissement de formation de son choix, sous condition d’agrément du comité départemental à l'enseignement technique, et qu'il dispense des formations correspondant aux activités de l'entreprise. L'objectif est bien entendu de soulager l'État et les communes des charges de gestion des Cours Professionnels, mais aussi d'aider les apprentis par le financement de bourses d'apprentissage, et d'inciter les employeurs par la création de primes versées par ce financement aux maîtres d'apprentissage.

26 juillet 1925

A à l'initiative de Joseph Courtier, député de la Haute-Marne, vote de la loi portant création des Chambres de Métiers. Un des objectifs principaux de celle-ci est défini à l'article 17 : "elles participeront à l'organisation de l'apprentissage des métiers dans les conditions qui seront fixées dans une loi spéciale". L'article 18 précise qu'elles seront représentées dans les différentes commissions consultatives locales dépendant du Conseil Supérieur de l'Enseignement Technique créé en 1919 dans le cadre de la loi Astier.

20 mars 1928

A l'attention unique du secteur des métiers, la loi sur l'apprentissage du 22 février 1851 est rénovée. Mais cette nouvelle mouture est extrêmement imprécise, elle n'exige le contrat écrit que pour certaines professions, et surtout ne concerne que les apprentis déclarés comme tels par l'artisan. Le contrat d'apprentissage n'était pas encore un contrat de travail, sa formulation relevait plutôt de ce que nous appellerions actuellement une convention de formation, définissant les droits et obligations des deux parties. En un mot une loi pour rien, puisque la loi Astier précisait déjà l'obligation du suivi des cours professionnels pour les jeunes salariés de moins de dix-huit ans. Seule avancée, l'examen de fin d'apprentissage devenu obligatoire et le polémiques qui suivirent. Elles aideront à clarifier la situation des apprentis "légaux" faisant l'objet d'un contrat écrit face à ceux qui ne faisaient que l'objet d'un "contrat oral ou moral".

Les deux questions posées le plus souvent étaient :

  • Si un jeune faisant l'objet d'un contrat d'apprentissage écrit possède d'évidence le statut d'apprenti, qu'en est-il de la situation du jeune jusqu'ici considéré comme apprenti mais ne faisant pas l'objet de ce même contrat écrit ?
  • Doit-on rendre l'apprentissage contractualisé obligatoire dans certaines professions pour que seuls les apprentis faisant l'objet d'un contrat écrit soient considérés comme tels ?

18 janvier 1929

L'orientation professionnelle des jeunes est rendue obligatoire dans le secteur agricole, alors que ce ne sera le cas que le 10 mars 1937 pour le secteur artisanal et le 24 mai 1938 pour l'ensemble des entreprises françaises.

9 août 1936

Par cette loi, l'école est obligatoire jusqu'à l'âge de quatorze ans alors qu'elle ne l’était que jusqu'à douze ans depuis 1910

10 mars 1937

Loi dite "loi Walter et Paulin". L'étude des conséquences de la loi du 26 juillet 1925 portant création des chambres de métier pousse Mr Walter à déposer deux propositions de loi en 1932. Trois ans plus tard en 1935, monsieur Paulin rédige un rapport fondé sur ces propositions. Ce long travail d'intégration de la législation d'Alsace et Lorraine aboutie à cette loi présentant de grandes nouveautés dans le paysage artisanal organisé par les jeunes chambres de métiers :

  • La durée de l'apprentissage doit être fixée à la signature du contrat.
  • Le contrat d'apprentissage doit être enregistré en Chambre de Métiers.
  • Un examen de fin d'apprentissage doit être organisé par les chambres de métier, ce sera l'EFAA (Examen de Fin d'Apprentissage Artisanal).
  • La formation du jeune doit être suivie par un livret d'assiduité.
  • Un corps d'inspecteurs de l'apprentissage est organisé au sein des Chambres de Métier.
  • Les Chambres de Métier ont la possibilité de créer des centres de cours professionnels et d'orientation.
  • Le maître d'apprentissage doit être titulaire du brevet de maîtrise, diplôme le plus élevé des Chambres de Métier.
  • La visite médicale d'embauche est obligatoire et doit être accompagnée d'un examen psychotechnique.

Nous constatons ici que tous les éléments nécessaires à l'organisation d'une formation en alternance sont présents. Les Chambres de Métier sont au cœur du système avec l'existence du corps des inspecteurs de l'apprentissage dont la compétence est étendue, aussi bien sur les centres de formation, que sur les maîtres d'apprentissage. L'expression "formation alternée" n'est pas née, mais la formation des apprentis du secteur artisanal relève de l'organisation d'un système de formation alternée.

24 mai 1938

Un décret-loi organise enfin le principe de l'orientation professionnelle pour l'ensemble du secteur industriel et commercial, alors que c'était déjà le cas pour le secteur artisanal depuis le 10 mars 1937, et depuis le 18 janvier 1929 pour le secteur agricole. Soit 16 ans après le décret du 22 septembre 1922, portant création du principe de l'orientation professionnelle. Les points les plus importants de ce décret-loi sont les suivants :

  • L'orientation professionnelle des jeunes est rendue obligatoire avant le début de toute formation professionnelle.
  • Un nombre minimum d'apprentis est défini aux entreprises de plus de cinq salariés au prorata du nombre de salariés des entreprises concernées. Un principe de sanctions est défini à l'encontre des entreprises contrevenantes.
  • Le suivi des cours professionnels est bien entendu rendu obligatoire aux apprentis.

1939

Le déclenchement de la seconde guerre mondiale mettra un coup de frein à la mise en place de ces dernières mesures législatives, quelques décrets d'application paraîtront tout de même, mais l'ensemble des textes de la période Vichyste seront annulés lors de la libération. L'histoire en retiendra bien peu de choses.

21 septembre 1939

Dans le cadre de la mobilisation générale, un décret crée les Centres de Formation Professionnelle (CFP), qui seront placés sous l'autorité de la Direction de l’Enseignement Technique (DET). Ces écoles techniques doivent former en trois ans, dans le cadre de la scolarité obligatoire, des ouvriers qualifiés. Cet outil de formation deviendra les Centres d'apprentissage (CA) en 1944.

La Direction de l'Enseignement Technique se voyait confier l'organisation de Centres de Formation Professionnelle destinés à la préparation accélérée de main d'œuvre pour les industries de guerre

1940

La Direction de l’Enseignement Technique est en quelque sorte orpheline, dans la mesure où le secrétariat à l'enseignement technique du ministère de l'instruction est supprimé. Elle devra partager son autorité sur les Centres de Formation Professionnelle (CFP) avec, entre autres, le Commissariat au Chômage des Jeunes et le Secrétariat à la Jeunesse.

29 février 1940

Un corps d'inspecteurs de l'apprentissage identique à celui du secteur artisanal est organisé par décret pour le secteur industriel et commercial.

1941 (Gouvernement de Vichy)

Les Écoles Pratiques du Commerce et de l'Industrie (EPCI), créées en 1892 et placées alors sous la tutelle de la direction de l'enseignement technique du ministère de l'industrie et du commerce, sont rebaptisées Collèges Techniques (CT) et deviendront des Lycées Techniques en 1960.

Le gouvernement de Vichy se penche sur la question de l'apprentissage et estime que la cause de la désaffection des jeunes envers ce système de formation se trouve dans l'absence de texte régissant les rémunérations des apprentis. Une grille de rémunération est alors établie en fonction d'un pourcentage du salaire minimum en vigueur, et pouvant aller jusqu'à 80 % de celui-ci.

18 septembre 1944

Par décret du gouvernement provisoire de la république française (GRPF), les Centres de Formation Professionnelle (CFP) créés en 1939 sont rebaptisés Centres d'Apprentissage (CA). Ils ne sont plus sous l’autorité de la Direction de la Jeunesse créée par le gouvernement de Vichy et sont replacés sous l'autorité unique de la Direction de l’Enseignement technique (DET). Sous l’autorité de M. Paul Le Rolland, les CA se détachent de l’héritage idéologique Vichyste. 50 000 élèves sont concernés, ils seront 100 000 en 1946, 150 000 en 1953 et 200 000 en 1960 lorsque les CA seront renommés Collèges d'Enseignement Techniques (CET).

2 novembre 1945

Par ordonnance sont créées les Écoles Normales Nationales d'Apprentissage (ENNA). Elles ont vocation à former les enseignants des Centres d’Apprentissage qui jusqu’ici n’avaient d’autre possibilité que de « se former sur le tas ». Durant la première année suivant la publication de l’ordonnance, six ENNA sont créées : Lyon, Nantes, Paris, Strasbourg, Toulouse.

1950

Les Chambres de Métier disposent d'une organisation nationale dynamique qui structure les cours professionnels et s'appuie sur le corps des inspecteurs de l'apprentissage. Un important fond pédagogique est disponible pour toutes les matières devant être enseignées. Il est utilisé par les formateurs, qui sont le plus souvent des instituteurs ou des personnels vacataires intervenants dans des locaux divers. Assez rapidement les Chambres de Métier disposent de leurs propres locaux et personnels d'enseignement.

Les Centres d'Apprentissage ont triplé leur effectif en cinq ans. L'âge d'or des CA se termine au moment où est engagé le processus de fonctionnarisation des personnels.

1959

Les Centre d'Apprentissage (CA), qui rappelons-le n'avaient pas destination à former des apprentis, sont rebaptisés Lycées d'Enseignement Professionnels (LEP). Dans le même temps, les premiers CFA (Centres de Formation d'Apprentis) sont créés par conventions avec l'Etat.

Cette même année est voté le principe de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans. L'application ne se fera qu'en 1968.

1960

Les Collèges Techniques (CT) se muent en Lycées Techniques (LT) pendant que, dans le même temps, les Ecoles Nationales Professionnelles (ENP) sont renommées Lycées Techniques (LT).

3 décembre 1966

La loi N° 66-892 d'orientation et la programmation de la formation professionnelle précise les modalités des conventions portant création des Centres de Formation d’Apprentis (CFA). Ils remplaceront progressivement les « Cours Professionnels ».

1968

La scolarité est obligatoire jusqu'à 16 ans.

1970

Le système de la formation des apprentis est à la fois performant, sclérosé et inégal. Performant parce que le secteur des Chambres de Métier possède un outil socialement performant et adapté aux valeurs traditionnelles, sclérosé parce que cet outil n'a pas su prendre le virage de 1968, du baby-boom et de la perte d'influence du secteur des métiers, inégal parce que le secteur des métiers s'appuie sur la loi du 10 mars 1937, tandis que le secteur industriel et commercial ne peut s'y référer en raison de la spécificité de la loi "Walter et Paulin".

Une rénovation du système est nécessaire, elle aboutira durant l'été 1971.

16 juillet 1971

Quatre lois majeures concernant l'enseignement technique sont votées.

  • Loi d'orientation de l'enseignement technique.
  • Loi relative à la participation des employeurs au financement des formations technologiques.
  • Loi sur l'organisation de la formation continue.
  • Loi relative à l'apprentissage.

Cette dernière loi ne limite pas l'apprentissage au seul CAP, mais les CFA étant sous la tutelle de l'Education Nationale nous n'assistons pas à la création d'une nouvelle filière de formation mais à un immobilisme total.

1972

Création dans les Collèges des "Classes Préprofessionnelles de Niveau" (CPPN) et des "Classes Préparatoires à l'Apprentissage" (CPA). Les premières, de triste souvenir étaient qualifiées de "classes poubelles" par les autres élèves alors que les classes de CPA intégrées aux CFA remplissaient leur office.

 

7 janvier 1983

Loi sur la régionalisation (Gaston Deffere)  retirant l'apprentissage de la compétence de l'Etat pour la placer sous celle des Conseils Régionaux qui s’emparent de cette nouvelle compétence et apportent des moyens financiers complémentaires.

1985

Création des Bac Professionnels préparés en deux ans après le BEP. Ils ont le plus souvent remplacé les Brevets Professionnels (BP)

23 juillet 1987

La loi 87-572 (Philippe Séguin) modifie le titre 1er du code du travail relatif à l'apprentissage. Elle refonde cette activité en transformant l'apprentissage en un système de formation alternée par filières. Ainsi, l'apprenti peut avoir jusqu'à 25 ans lors de la signature du contrat d'apprentissage contre 20 ans auparavant. Les CFA peuvent organiser des formations autres que les seul CAP de niveau V et les apprentis peuvent signer plusieurs contrats successifs. Une véritable filière de la formation alternée est organisée sous la tutelle des Conseils Régionaux, parallèlement au système de formation continue de l'Etat (Education Nationale).

1991 (Le temps de la professionnalisation des acteurs)

Les dispositifs de formation des réseaux de CFA prennent en compte la nécessaire élévation du niveau de compétence de leurs personnels qui devront être en capacité de gérer les nouveaux publics de niveaux IV et III. De nombreux projets sont mis en place au sein des Maisons Familiales et Rurales (MFR), du réseau des CFA du CCCA-BTP, souvent en coordination avec le CNAM, sa Chaire de formation des adultes et le Centre de Formation de Formateurs de Branche.

Dans le même esprit le Conseil Régional d’Ile de France met en place un cursus de formation à l’attention des formateurs nouvellement recrutés. Le « Certificat de formateur de CFA » était délivré par l’organisme de formation INSEP jusque fin 1999, puis par le CAPARIF (Arrêté du 23 juin 1998 publié au Journal Officiel du 7 juillet 1998) et arrêté du 8 octobre 2004 publié au Journal Officiel du 10 octobre 2004).

Cette certification a été reprise par le CNAM par Arrêté du 16 février 2006 publié au Journal Officiel du 5 mars 2006 et dispensée par l’organisme IP2A.

Le suivi de cette formation était obligatoire pour les formateurs nouvellement recrutés et inscrite aux conventions liant tous les CFA d’Ile de France et leur région de tutelle.

17 juillet 1992

Loi n° 92-675 (Martine Aubry) portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage et à la formation professionnelle. Elle précise notion d’agrément du Maitre d’apprentissage.

 

 

20 décembre 1993

Loi quinquennale n° 93-1313 relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle (Michel Giraud) rend possible l’ouverture de sections d’apprentissage dans tous les établissements scolaires.

Dans l’objectif d’aboutir à une augmentation des effectifs d’apprentis, cette loi autorise la gestion de sections d’apprentissage dans des établissements qui ne sont pas des Centre de Formations d’Apprentis et ignorent les spécificités de la  pédagogie de l’alternance sous statut professionnel.

Dans le même objectif, cette loi augmente les aides aux entreprises.

6 mai 1996

Loi réformant le système de financement de l’apprentissage. Elle organise aussi un système de de subventions aux employeurs d’apprentis

 

Le XXIème siècle,

17 janvier 2002

Loi n° 2002-73, dite de modernisation sociale, augmentent l’intervention des Régions dans le dispositif. Elle les positionne en « régulateur de marché » afin de réduire les inégalités de ressources entre les Centres de Formation d’Apprentis.

13 août 2004

Loi relative aux responsabilités locales donnant aux Régions le pouvoir d’organiser les niveaux et les conditions d’attribution des primes et indemnités versées aux employeurs d’apprentis.

4 mai 2004

Loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie

18 janvier 2005

Loi n°2005-32 (Jean-Louis Borloo) dite de programmation pour la cohésion sociale. Elle augmente encore la compétence des régions en leur permettant  de conclure des contrats d’objectifs et de moyens (COM), financé par le Fonds National de Développement et de Modernisation de l’Apprentissage (FNDMA).

19 avril 2005 (Le temps des promesses)

Toujours dans l’objectif d’une augmentation des effectifs d’apprentis, le ministre Jean-Louis Borloo et le secrétaire d’État à l’insertion professionnelle Laurent Hénart, signent un accord-cadre national pour le développement de l’apprentissage avec plusieurs branches professionnelles et les réseaux consulaires du commerce et de l’artisanat.

9 juin 2005 (Le temps des invocations)

Signature d’une « Charte de l’apprentissage » engageant un grand nombre d’entreprises dont une majorité fait partie du CAC 40. Sous l’initiative du ministre Jean-Louis Borloo et du président de Schneider Electric Henri Lachmann, ces entreprises s’engagent à promouvoir l’apprentissage.

31 mars 2006 (Le temps des fausses bonnes idées)

Loi n°2006-396 dite pour l’égalité des chances (Dominique de Villepin) propose un « Apprentissage Junior », Le manque de pertinence du projet fait qu’il est rapidement abrogé.

2007 (Le temps du double langage)

Décision (Xavier Darcos) de suppression des BEP (Brevet d’études Professionnelles) et création du cursus du Bac professionnel en trois ans.

Jusqu’ici le BEP était une formation en deux ans accessible après la classe de troisième en alternative au CAP. Le BEP était aussi « disponible » en un an après le CAP. Le BEP était le diplôme prérequis à l’entrée en Bac Professionnel pour une formation en deux ans. Le duo BEP – Bac professionnel constituait un cursus en quatre ans.

En conséquence de la suppression des BEP, les cursus des Bac Professionnels sont portés à trois ans et accessibles directement après la classe de troisième.

Les conséquences de ces mesures ont été catastrophiques pour l’apprentissage et ont provoqué une baisse des effectifs pour les raisons suivantes :

  • Désaffection des formations CAP au profit des formations Bac Professionnel puisque tous deux accessible après la classe de troisième.
  • Impossibilité de signer des contrats d’apprentissage en trois ans dont la temporalité n’est pas adaptée ni aux jeunes n aux entreprises.
  • Report des sortants de CAP vers une classe dite de « 1ère de Bac Pro » pour un contrat d’apprentissage en deux ans mais dont la première année sera rémunérée comme une deuxième année en raison du cursus dit en trois ans.

Il est à noter que ces mesures ont été prises tout en communiquant à l’inverse dans la presse :

15 avril 2008 (Le temps de fausses mesures)

La présente circulaire de préparation de la rentrée scolaire 2008 n° 2008-042 du 4-4-2008 est structurée autour de dix grandes orientation prioritaire dont une concerne plus particulièrement l’apprentissage.

Les classes dites de « Préapprentissage » permettant d’accueillir dans les CFA des jeunes de moins de 16 ans sous statut scolaire tout en laissant toute latitude d’organisation pédagogique au CFA sont remplacée par un nouveau Dispositif d’Initiation aux Métiers en Alternance (DIMA). Cette mesure est elle aussi catastrophique pour l’apprentissage pour les raisons suivantes.

  • L’expression « Préapprentissage » lisible de tous est remplacée par un acronyme indéfinissable pour le grand public « DIMA ».
  • Les lourdeurs administratives sont telles qu’ici aussi nous assistons à un effondrement des effectifs.

24 novembre 2009 (Le temps des tentatives)

La loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie précise quelques mesures ponctuelles sont prises en faveur des employeurs en matière d’aides financières ou d’exonération de charges sociales.

18 aout 2015 (Le temps des incohérences)

La loi n° 2015-994 relative au dialogue social et à l’emploi (François Rebsamen) transforme par son article 53 la période d’essai des apprentis ainsi rédigée « deux mois après le premier jour de travail effectif chez l’employeur » par « jusqu'à l'échéance des quarante-cinq premiers jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise effectuée par l'apprenti ».

Plusieurs remarques sont ici à faire :

  • Comme pour tous les contrats de travail y compris les contrats en alternance que sont les contrats de professionnalisation et d’apprentissage, la période d’essai était exprimée en temps passé au-delà de la date d’embauche.
  • La présente mesure ne concerne pas les contrats de professionnalisation mais les seuls contrats d’apprentissage.
  • Le texte s’exprime en termes de « formation pratique en entreprise effectuée par l’apprenti ». Elle confirmant le fait que l’entreprise est bien un lieu de formation mais ne dit rien de l’activité menée au sein du CFA.
  • La loi ignore et exclue le temps passé au sein du CFA de la période d’essai, comme s’il ne se passait rien au CFA, comme si le temps passé au CFA était un temps « perdu ».

En conséquence, cette loi discriminatoire envers les seuls salariés que sont les apprentis exclue de la période d’essai une partie du temps de travail rémunéré par l’employeur. Cette exclusion peut ainsi porter la durée de la période d’essai jusqu'à quatre mois pour certains apprentis et abouti à un temps de période d’essai propre à chaque apprenti.

Au-delà d’un simple principe éthique, cet article de loi est juridiquement contestable du fait qu’il exclue de la période d’essai une partie du temps de travail rémunéré et donc placé sous la responsabilité de l’employeur.

 

Décembre 2015 (Le temps de la déprofessionnalisation)

Conséquence des élections régionales de nouvelles dispositions concernant l’apprentissage sont prises par les régions qui disposent d’une grande autonomie. Pour exemple en Ile de France disparaît l’obligation de formation des formateurs nouvellement recrutés par le CFA. Il est mis fin à plus de 20 ans d’efforts de professionnalisation des personnels de CFA et plusieurs remarques peuvent être faites :

  • Le cout de cette formation pesait sur les comptes de la Région.
  • De nombreux dirigeants de CFA n’inscrivaient pas leurs personnels à cette formation pourtant obligatoire au motif que leurs personnels était déjà formés. Cela concernant en particulier des établissements publics issus du temps plein.
  • Certains dirigeants de CFA n’ont aucune maitrise sur « leurs » personnels de formation puisque gérant une structure dite « Hors murs » et pratiquant par sous-traitance pédagogique.
  • Des argumentations visant à nier la spécificité d’une pédagogie spécifique à l’alternance sous statut professionnel sont entendues par les élus.

8 août 2016

La loi n° 2016-1088 (dite loi travail) relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels contient deux articles concernant l’apprentissage l’article 76 concerne plus particulièrement les circuits de financement et l’article 77 offre la possibilité d’élever l’âge maximum d'entrée en l’apprentissage de 25 ans à 30 ans lors de la signature du contrat.

31 décembre 2016

Le décrets n° 2016-1998 du 30 décembre 2016 et le décret n°2017-355 du 20 mars 2017 fixent la liste des collectivités territoriales autorisées à l’expérimentation « Apprentissage jusqu'à 30 ans » prévue à l’article 77 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

5 septembre 2018

Publication de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Cette loi marque un « tournant idéologique » dans l’histoire de la formation alternée et de l’apprentissage. La loi du 23 juillet 1987 ouvrait l’apprentissage aux jeunes de plus de 20 ans et pour d’autres formations que le seul CAP, ce qui avait pour conséquence de faire sortir l’apprentissage de son rôle de formation d’accompagnement à l’entrée dans la vie professionnelle, pour en faire une véritable filière de formation alternée sous statut professionnel. La loi du 5 septembre 2018 reprend et modifie l’ensemble des règles organisationnelles et financières de l’apprentissage dans un objectif de convergence avec l’autre dispositif de formation alternée, celui des contrats de professionnalisation.

 

 

Les principales mesures sont :

  • Disparition de la compétence des Régions sur l’apprentissage, donc du principe de la « Convention portant création de CFA » et du financement d’une partie du fonctionnement des CFA.
  • Disparition des OPCA en charge de la collecte de la Taxe d’Apprentissage désormais collectée par l’URSSAF et création des Opérateurs de COmpétence en charge de la seule redistribution des sommes collectées.
  • Disparition des circuits de financement des CFA par dotation des Régions et Taxe d’Apprentissage. Le CFA comme tout Organisme de Formation facturera ses prestations auprès de l’OPCO de l’employeur de l’apprenti selon un barème national.
  • Possibilité d’organisation de section d’apprentissage hors des CFA et obligation à ces derniers de répondre aux exigences de certification de tout Organisme de Formation. Ce qui signifie à terme la disparition du statut spécifique des CFA par inclusion dans le statut général des Organismes de Formation.

2020 et + ?

Le nouveau contexte législatif met en place un paysage totalement différent, une nouvelle scène avec de nouveaux acteurs pour de nouveaux enjeux.

Quels changements pour quels impacts ?

En premier lieu, la fin annoncée de la différentiation existante entre les statuts de l’apprentissage et de la professionnalisation. Les circuits de financement et dispositifs de contrôle convergent, contrat d’apprentissage et contrat de professionnalisation ne feront plus qu’un, les CFA n’existeront plus en tant que tel, les sections d’apprentissage subsisteront au sein de structures de formation publiques ou privées. Les organismes gestionnaires de CFA et de Centre de Formation Continue que sont les organisations consulaires ou professionnelles n’auront plus à maintenir des entités juridiques différentiés pour les deux activités, nous assisterons à des regroupements, des fusions entre CFA et Centre de Formation Continue.

A plus long terme

Le « système de formation professionnelle » constitue un enjeu stratégique pour la nation, son architecture peut être comparée à celle du « système de santé » dont il se rapproche, le rejoindra-t-il ? Avec ses qualités et ses défauts ?

  • Les cotisations à l’apprentissage et à la formation professionnelle ne sont plus versées par entreprises aux organismes collecteurs répartiteurs mais à l’URSSAF, tout comme les cotisations de santé.
  • L’URSSAF assure le financement des différentes caisses de sécurité sociale qui assurent le financement/remboursement des différents opérateurs de santé. Tout comme l’URSSAF assure le financement des différents OPérateurs de Compétence (via France compétences) qui assurent le financement ou/et remboursement des différents prestataires de formation.
  • Les prestataires de santé comme les prestataires de formation sont soumis à leurs « autorité de contrôle » spécifiques. Leurs prestations sont tarifées par accords nationaux et révisés annuellement.

Dans ce contexte, il est à craindre des mêmes dérives, en particulier de celle de la mise en œuvre d’une politique de réduction des coûts par contrainte sur les barèmes de prestation. Avec en conséquence l’émergence et la généralisation d’un reste à charge financier pour le client, entreprise ou apprenant. Et peut-être, plus tard, la mise en œuvre d’une politique corrective dite « RAC 0 »

 

 

La morale de l'histoire

Nous avons vu combien les luttes pour le pouvoir de l'éducation, de la pédagogie ont toujours été âpres. Le pouvoir pédagogique n’est jamais "un bien vacant " dans aucune société ; il est toujours sous influence des  pouvoirs sociaux : institutions, État, collectivités, corporations. Le pouvoir d'éducation, c'est-à-dire d'anticiper sur la prédisposition  des individus à agir d’une manière déterminée, est nécessairement un enjeu disputé entre les différentes forces sociales. Les intérêts pédagogiques des différents groupes relèvent des mêmes stratégies que celles qui dictent les intérêts économiques ou politiques.

Le groupe social se trouvant en position de peser, voire de déterminer, directement ou indirectement, les fins et les moyens de l’action pédagogique (contenu des programmes et organisation de l’enseignement) détient de ce fait un pouvoir global sur les individus qui subissent cette action pédagogique. On comprend pourquoi le contrôle des institutions éducatives a été, tout au long de leur histoire, l’objet de luttes et de compromis entre appareils politiques concurrents.

L'apprentissage, qui est une forme d'éducation alternée, s'est donc toujours trouvé au cœur de ces luttes. Ses périodes fastes et ses traversées du désert sont à mettre directement en relation avec l'intérêt que les différents pouvoirs ont eu pour lui au fil du temps.

La situation de l'apprentissage du secteur des métiers est empreinte d'une profonde tradition compagnonnique à laquelle la rigueur organisationnelle de l'héritage des Chambres de Métiers germaniques a apporté ses marques de noblesses. Malheureusement le développement industriel des trente glorieuses a eu tendance à laisser de côté ce magnifique outil qui suit la tendance naturelle de toute institution éducative à se diriger vers la voie sécurisante mais sclérosante de la fonctionnarisation.

Dans sa dernière évolution, l'apprentissage semble perdre sa spécificité juridique et sociale pour entrer dans le périmètre plus large de la " formation alternée sous statut professionnel ".

Jean-Luc Déjeans

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